La laideur comme moteur : les moches qui en ont fait une force

Un Jour dans l'Histoire

Nous sommes à la fin du mois d’août, début septembre, 1988, à Sils-Maria, village des Alpes, au Sud-Est de la Suisse, dans le canton des Grisons. Frédéric Nietzsche y a déjà passé de nombreux séjours. En peu de temps, le philosophe allemand y rédige, avant le 3 septembre, le manuscrit de ce qui deviendra le « Crépuscule des idoles ou Comment on philosophe avec un marteau ». Il y écrit : « Rien n’est beau, il n’y a que l’homme qui soit beau : sur cette naïveté repose toute esthétique, c’est sa première vérité. Ajoutons-y dès l’abord la deuxième : rien n’est laid si ce n’est l’homme qui dégénère, — avec cela l’empire des jugements esthétiques est circonscrit. — Au point de vue physiologique, tout ce qui est laid affaiblit et attriste l’homme. Cela le fait songer à la décomposition, au danger, à l’impuissance. Il y perd décidément de la force. On peut mesurer au dynamomètre l’effet de la laideur. En général, lorsque l’homme éprouve un état d’affaissement, il flaire l’approche de quelque chose de « laid ». Son sentiment de puissance, sa volonté de puissance, son courage, sa fierté — tout ceci s’abaisse avec le laid et monte avec le beau… » Trois siècles auparavant, Blaise Pascal, mathématicien et philosophe, avait écrit dans ses « Pensées » : « Si le nez de Cléopâtre eût été plus court, toute la face du monde aurait changé. » « Ce je ne sais quoi, ajouta-t-il, si peu de choses qu’on ne peut le reconnaître, remue toute la terre, les princes, les armées, le monde entier ». Quel rôle la disgrâce physique a-t-elle joué dans l’histoire ? Qui sont les femmes et les hommes qui sont parvenu à la transcender, ne se sont pas laissé enfermer, engloutir par la moquerie, la méchanceté, la pitié ? Partons à la rencontre de ces individus qui ont forcé l’admiration de leurs contemporains en faisant de leur infortune un moteur et même, parfois, un atout… Invité : Pierre-Louis Lensel, rédacteur en chef adjoint de la revue « Historia ». « Eloges des moches » aux éditions Perrin. Sujets traités : Frédéric Nietzsche, laideur, moche, Cléopâtre, Blaise Pascal, moquerie, méchanceté, pitié

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