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Soudan: la faim, l'autre front de la guerre [2/3]
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Les 19 mois de guerre au Soudan ont plongé le pays dans la plus grave crise humanitaire au monde, selon l'ONU. Plus de 13 millions de Soudanais ont été déracinés par les combats. Plus de la moitié des 45 millions de Soudanais sont en situation de sous-nutrition aiguë, parmi eux, 8 millions en état critique. La faim, c’est l’autre fléau du conflit au Soudan. Si les deux armées sont accusées d’utiliser la faim comme arme de guerre, entravant le passage de l’aide humanitaire, celle-ci reste largement sous-financée et la crise au Soudan oubliée. Notre envoyé spécial s'est rendu à l'hôpital Al-Shuhada de Bahri, la banlieue nord de Khartoum tout juste reprise par l'armée régulière aux mains des paramilitaires des Forces de soutien rapide. À quelques centaines de mètres des lignes de front, une autre bataille s'y joue, qui fait désormais plus de mort que la guerre.
De notre envoyé spécial à Bahri,
Devant les portes du service de nutrition, Selwa Zakaria erre le regard dans le vide : « Mes deux filles sont mortes de faim. La première de 12 ans, il y a quatre mois. La seconde, d’un an et demi, est morte il y a une semaine. Nous n’avons rien à manger. »
Dans le cabinet de Fatima Haroun, des bébés rachitiques se succèdent sur la balance : « Rien qu’au mois de septembre, nous avons enregistré 20 décès d’enfants de moins de cinq ans. Avant-hier, un bébé est mort ici, nous n’avons rien pu faire. Nous sommes face à une famine de niveau 1. Mais personne ne se rend compte de la gravité des cas que nous recevons ici. J’ai reçu une famille qui, lorsqu’ils n’ont rien à manger, diluent du limon du Nil dans une assiette ! »
Des silhouettes fantomatiques patientent dans le hall de l’hôpital. Un jeune garçon, Fayad, la peau sur les os, est entre les mains du docteur Imad : « Quand je l’ai reçu aux urgences, il était déshydraté, en hypotension. Il manquait de sucre, d’eau, de tout. Fayad, est-ce que tu arrives à parler ? » Pas de réponse. Les lèvres du garçon remuent à peine.
Ceux qui parviennent à fuir les zones cernées par les combats arrivent dans des états critiques. Azza Hussein vient de quitter le quartier de Samarab, à un kilomètre d’ici : « Il n’y avait pas de nourriture. Les marchés sont vides. Les gens meurent ici et là. Dans notre quartier, il y a eu 150 morts en deux semaines. Mes voisins, par exemple, ils sont morts de dysenterie foudroyante, et d’autres à cause de l’eau du puits. Et aussi, il y a la dengue. Les enterrements s’enchainent à la va-vite pour que les corps ne répandent pas les maladies. »
À écouter aussiLes Soudanaises, violées et violentées, sont les premières victimes de la guerre
En plus de la dengue, la malaria et le choléra se répandent. En temps normal, ces maladies ne tuent pas si elles sont prises en charge. Mais la faim en fait des fléaux, selon la directrice de l’hôpital Hadil El-Hassan : « Ce n’est pas une question de pénurie de médicaments. Ces décès s’expliquent, car les défenses immunitaires des gens sont au plus bas. Avec la guerre, toutes les usines, les marchés ont été détruits ou pillés. Les citoyens sont assiégés, ils n’ont pas accès à la nourriture. Et on ne peut pas leur en envoyer. Il faut que des corridors humanitaires soient ouverts, notamment vers les zones contrôlées par les Forces de soutien rapide. Dans ce chaos, il est impossible de donner des chiffres précis. Mais les morts à cause de la faim sont innombrables. Ils sont les résidus de la guerre. »
Alors que la faim risque de tuer plus que la guerre, l’aide humanitaire reste sous-financée, elle est distribuée au compte-goutte. Ici, les Soudanais se sentent abandonnés.
À écouter aussiSoudan: une guerre de généraux à l'origine de la plus grave crise humanitaire au monde
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Les 19 mois de guerre au Soudan ont plongé le pays dans la plus grave crise humanitaire au monde, selon l'ONU. Plus de 13 millions de Soudanais ont été déracinés par les combats. Plus de la moitié des 45 millions de Soudanais sont en situation de sous-nutrition aiguë, parmi eux, 8 millions en état critique. La faim, c’est l’autre fléau du conflit au Soudan. Si les deux armées sont accusées d’utiliser la faim comme arme de guerre, entravant le passage de l’aide humanitaire, celle-ci reste largement sous-financée et la crise au Soudan oubliée. Notre envoyé spécial s'est rendu à l'hôpital Al-Shuhada de Bahri, la banlieue nord de Khartoum tout juste reprise par l'armée régulière aux mains des paramilitaires des Forces de soutien rapide. À quelques centaines de mètres des lignes de front, une autre bataille s'y joue, qui fait désormais plus de mort que la guerre.
De notre envoyé spécial à Bahri,
Devant les portes du service de nutrition, Selwa Zakaria erre le regard dans le vide : « Mes deux filles sont mortes de faim. La première de 12 ans, il y a quatre mois. La seconde, d’un an et demi, est morte il y a une semaine. Nous n’avons rien à manger. »
Dans le cabinet de Fatima Haroun, des bébés rachitiques se succèdent sur la balance : « Rien qu’au mois de septembre, nous avons enregistré 20 décès d’enfants de moins de cinq ans. Avant-hier, un bébé est mort ici, nous n’avons rien pu faire. Nous sommes face à une famine de niveau 1. Mais personne ne se rend compte de la gravité des cas que nous recevons ici. J’ai reçu une famille qui, lorsqu’ils n’ont rien à manger, diluent du limon du Nil dans une assiette ! »
Des silhouettes fantomatiques patientent dans le hall de l’hôpital. Un jeune garçon, Fayad, la peau sur les os, est entre les mains du docteur Imad : « Quand je l’ai reçu aux urgences, il était déshydraté, en hypotension. Il manquait de sucre, d’eau, de tout. Fayad, est-ce que tu arrives à parler ? » Pas de réponse. Les lèvres du garçon remuent à peine.
Ceux qui parviennent à fuir les zones cernées par les combats arrivent dans des états critiques. Azza Hussein vient de quitter le quartier de Samarab, à un kilomètre d’ici : « Il n’y avait pas de nourriture. Les marchés sont vides. Les gens meurent ici et là. Dans notre quartier, il y a eu 150 morts en deux semaines. Mes voisins, par exemple, ils sont morts de dysenterie foudroyante, et d’autres à cause de l’eau du puits. Et aussi, il y a la dengue. Les enterrements s’enchainent à la va-vite pour que les corps ne répandent pas les maladies. »
À écouter aussiLes Soudanaises, violées et violentées, sont les premières victimes de la guerre
En plus de la dengue, la malaria et le choléra se répandent. En temps normal, ces maladies ne tuent pas si elles sont prises en charge. Mais la faim en fait des fléaux, selon la directrice de l’hôpital Hadil El-Hassan : « Ce n’est pas une question de pénurie de médicaments. Ces décès s’expliquent, car les défenses immunitaires des gens sont au plus bas. Avec la guerre, toutes les usines, les marchés ont été détruits ou pillés. Les citoyens sont assiégés, ils n’ont pas accès à la nourriture. Et on ne peut pas leur en envoyer. Il faut que des corridors humanitaires soient ouverts, notamment vers les zones contrôlées par les Forces de soutien rapide. Dans ce chaos, il est impossible de donner des chiffres précis. Mais les morts à cause de la faim sont innombrables. Ils sont les résidus de la guerre. »
Alors que la faim risque de tuer plus que la guerre, l’aide humanitaire reste sous-financée, elle est distribuée au compte-goutte. Ici, les Soudanais se sentent abandonnés.
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