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Ibrahim Maïga: au Mali «nous appelons à un souverainisme plus équilibré, plus ouvert, plus inclusif»
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Pour un souverainisme plus humain... C'est ce que suggère en substance l'organisation ICG (International Crisis Group) aux militaires qui dirigent le Mali depuis quatre ans. Dans un rapport publié hier mardi, l'ONG constate que les officiers putschistes d'août 2020 ont pratiqué une politique souverainiste qui les a rendus populaires. Mais attention à la dérive autoritaire et aux coupures d'électricité... Cette popularité pourrait bien s'effriter. Le chercheur malien Ibrahim Maïga est conseiller pour le Sahel à International Crisis Group. En ligne de Bamako, il répond aux questions de RFI.
RFI : Ibrahim Maïga, Vous dites que les officiers putschistes du mois d’août 2020 ont bénéficié d'une forte adhésion populaire, pourquoi ?
Ibrahim Maïga : alors, le souverainisme à la malienne est populaire pour deux raisons principales. La première, sa force d'attraction est liée, intimement liée aux dysfonctionnements du modèle démocratique, jusqu'à là dominant, mais qui a échoué à améliorer le bien-être des populations maliennes. Ensuite, le souverainisme s'est opposé à la dépendance du pays vis-à-vis de puissances extérieures, en particulier la France, l'ancienne puissance coloniale.
Et vous dites que l'implication de la Russie dans ce tournant souverainiste de Bamako est indéniable
Oui, nous constatons des actions de la part de certains acteurs extérieurs, y compris de la Russie, pour promouvoir ce discours souverainiste. Mais au fond, ils l’amplifient, ils ne le créent pas. Ce sont les acteurs maliens, les acteurs nationaux qui créent ce discours souverainiste. Les acteurs extérieurs ne font, au fond, que l'amplifier.
Et vous dites que, par rapport à la Russie, le Mali est moins dépendant que la République centrafricaine, pourquoi ?
Alors ce qu'on explique, c'est qu'il nous semble que le partenaire russe a moins de présence, une présence moins visible au Mali que ça ne l'est en Centrafrique. Y compris dans la sécurité présidentielle où on retrouve les Russes en Centrafrique par exemple. C'est un élément de distinction assez frappant entre la situation au Mali et la situation en Centrafrique.
Vous dites que la reprise de Kidal, il y a un an, a donné aux officiers putschistes un surcroît de popularité à Bamako, mais que cette popularité risque aujourd'hui de s'effriter, y compris dans la capitale, pourquoi ?
Alors oui, clairement, la reprise de Kidal a donné une popularité qui était déjà en souffrance à cause de la situation économique très précaire, difficile dans le pays et en particulier à Bamako avec les coupures d'électricité. Ces conditions socio-économiques détériorées n'ont pas disparu. La situation économique continue de se dégrader. La situation sur le plan énergétique n'est pas encore résolue. Donc oui, il y a des véritables priorités auxquelles les autorités maliennes font face en dehors du théâtre militaire et du théâtre sécuritaire. Et donc, si elles veulent maintenir cette popularité qui leur permet aujourd'hui de gouverner sans élections, elles devront, à un moment ou à un autre, faire face à ces enjeux-là, qui affectent considérablement le quotidien des Maliens, que ça soit Bamako ou à l'intérieur du pays.
D'où votre recommandation de renouer avec les grands partenaires internationaux, y compris occidentaux ?
Oui, absolument. Renouer avec les partenaires financiers, notamment occidentaux, permet de redonner des marges de manœuvre et des moyens d'investissement à l'État malien. Des moyens qu'il a perdus à cause de la brouille avec certains partenaires financiers.
Oui, mais Bamako est allé assez loin dans les mots contre Paris. Est-ce qu'une réconciliation est possible entre ces deux capitales ?
Effectivement, une réconciliation à court terme entre Bamako et Paris semble aujourd'hui difficile. Nous pensons à d'autres pays occidentaux qui ont jusqu'à présent montré leur bonne volonté. On pourrait citer l'Allemagne, les Pays-Bas et d'autres pays.
Le limogeage du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga il y a deux semaines, est-ce que c'est le signe que des divisions apparaissent dans le mouvement souverainiste malien ?
Oui, c'est une division au sein du camp souverainiste, si on estime que le camp souverainiste jusqu'à présent est incarné à la fois par le M 5 et par les militaires du CNSP.
Le M 5, qui est le mouvement dirigé par Choguel Kokalla Maïga. Dans votre rapport, vous vous inquiétez de la dérive autoritaire des autorités maliennes, qui rétrécissent l'espace civique, est-ce que cette dérive peut provoquer des divisions au sein du camp souverainiste ?
Certains acteurs politiques souverainistes de la première heure sont aujourd'hui incarcérés, sont en prison, détenus depuis plusieurs mois. Eh oui, ces restrictions ont clairement constitué des motifs de tensions, entre d'un côté les militaires, de l'autre leurs alliés politiques et de la société civile. Ce que nous disons dans le rapport, c'est que les autorités maliennes, plutôt que de renoncer au souverainisme, qui semble avoir clairement des vertus énormément avantageuses à leurs yeux, devraient procéder à un ajustement, y compris en rendant ce souverainisme beaucoup plus inclusif. Ce qui signifie concrètement un apaisement du climat sociopolitique, des gestes plus forts en direction de la classe politique et de la société civile, et donc, bien évidemment, le respect des droits civils et politiques de tous les acteurs sur le terrain politique au Mali.
Donc vous appelez à un souverainisme plus humain ?
Nous appelons à un souverainisme plus équilibré, plus ouvert, plus inclusif, qui permet non seulement aux autorités maliennes, qui jouissent d'une certaine popularité, de poursuivre les réformes qu’elles se sont assignées, mais aussi que ces actions-là soient le plus consultatif possible, que l'ensemble des acteurs politiques et de la société civile soient associés à cette démarche. C'est à ce prix-là aussi que les autorités maliennes feront du Mali un pays pacifié et surtout qu'elles marqueront l'histoire de leur pays.
À lire aussiMali: «Les autorités devraient explorer les voies d'une diplomatie équilibrée»
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Ibrahim Maïga: au Mali «nous appelons à un souverainisme plus équilibré, plus ouvert, plus inclusif»
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Pour un souverainisme plus humain... C'est ce que suggère en substance l'organisation ICG (International Crisis Group) aux militaires qui dirigent le Mali depuis quatre ans. Dans un rapport publié hier mardi, l'ONG constate que les officiers putschistes d'août 2020 ont pratiqué une politique souverainiste qui les a rendus populaires. Mais attention à la dérive autoritaire et aux coupures d'électricité... Cette popularité pourrait bien s'effriter. Le chercheur malien Ibrahim Maïga est conseiller pour le Sahel à International Crisis Group. En ligne de Bamako, il répond aux questions de RFI.
RFI : Ibrahim Maïga, Vous dites que les officiers putschistes du mois d’août 2020 ont bénéficié d'une forte adhésion populaire, pourquoi ?
Ibrahim Maïga : alors, le souverainisme à la malienne est populaire pour deux raisons principales. La première, sa force d'attraction est liée, intimement liée aux dysfonctionnements du modèle démocratique, jusqu'à là dominant, mais qui a échoué à améliorer le bien-être des populations maliennes. Ensuite, le souverainisme s'est opposé à la dépendance du pays vis-à-vis de puissances extérieures, en particulier la France, l'ancienne puissance coloniale.
Et vous dites que l'implication de la Russie dans ce tournant souverainiste de Bamako est indéniable
Oui, nous constatons des actions de la part de certains acteurs extérieurs, y compris de la Russie, pour promouvoir ce discours souverainiste. Mais au fond, ils l’amplifient, ils ne le créent pas. Ce sont les acteurs maliens, les acteurs nationaux qui créent ce discours souverainiste. Les acteurs extérieurs ne font, au fond, que l'amplifier.
Et vous dites que, par rapport à la Russie, le Mali est moins dépendant que la République centrafricaine, pourquoi ?
Alors ce qu'on explique, c'est qu'il nous semble que le partenaire russe a moins de présence, une présence moins visible au Mali que ça ne l'est en Centrafrique. Y compris dans la sécurité présidentielle où on retrouve les Russes en Centrafrique par exemple. C'est un élément de distinction assez frappant entre la situation au Mali et la situation en Centrafrique.
Vous dites que la reprise de Kidal, il y a un an, a donné aux officiers putschistes un surcroît de popularité à Bamako, mais que cette popularité risque aujourd'hui de s'effriter, y compris dans la capitale, pourquoi ?
Alors oui, clairement, la reprise de Kidal a donné une popularité qui était déjà en souffrance à cause de la situation économique très précaire, difficile dans le pays et en particulier à Bamako avec les coupures d'électricité. Ces conditions socio-économiques détériorées n'ont pas disparu. La situation économique continue de se dégrader. La situation sur le plan énergétique n'est pas encore résolue. Donc oui, il y a des véritables priorités auxquelles les autorités maliennes font face en dehors du théâtre militaire et du théâtre sécuritaire. Et donc, si elles veulent maintenir cette popularité qui leur permet aujourd'hui de gouverner sans élections, elles devront, à un moment ou à un autre, faire face à ces enjeux-là, qui affectent considérablement le quotidien des Maliens, que ça soit Bamako ou à l'intérieur du pays.
D'où votre recommandation de renouer avec les grands partenaires internationaux, y compris occidentaux ?
Oui, absolument. Renouer avec les partenaires financiers, notamment occidentaux, permet de redonner des marges de manœuvre et des moyens d'investissement à l'État malien. Des moyens qu'il a perdus à cause de la brouille avec certains partenaires financiers.
Oui, mais Bamako est allé assez loin dans les mots contre Paris. Est-ce qu'une réconciliation est possible entre ces deux capitales ?
Effectivement, une réconciliation à court terme entre Bamako et Paris semble aujourd'hui difficile. Nous pensons à d'autres pays occidentaux qui ont jusqu'à présent montré leur bonne volonté. On pourrait citer l'Allemagne, les Pays-Bas et d'autres pays.
Le limogeage du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga il y a deux semaines, est-ce que c'est le signe que des divisions apparaissent dans le mouvement souverainiste malien ?
Oui, c'est une division au sein du camp souverainiste, si on estime que le camp souverainiste jusqu'à présent est incarné à la fois par le M 5 et par les militaires du CNSP.
Le M 5, qui est le mouvement dirigé par Choguel Kokalla Maïga. Dans votre rapport, vous vous inquiétez de la dérive autoritaire des autorités maliennes, qui rétrécissent l'espace civique, est-ce que cette dérive peut provoquer des divisions au sein du camp souverainiste ?
Certains acteurs politiques souverainistes de la première heure sont aujourd'hui incarcérés, sont en prison, détenus depuis plusieurs mois. Eh oui, ces restrictions ont clairement constitué des motifs de tensions, entre d'un côté les militaires, de l'autre leurs alliés politiques et de la société civile. Ce que nous disons dans le rapport, c'est que les autorités maliennes, plutôt que de renoncer au souverainisme, qui semble avoir clairement des vertus énormément avantageuses à leurs yeux, devraient procéder à un ajustement, y compris en rendant ce souverainisme beaucoup plus inclusif. Ce qui signifie concrètement un apaisement du climat sociopolitique, des gestes plus forts en direction de la classe politique et de la société civile, et donc, bien évidemment, le respect des droits civils et politiques de tous les acteurs sur le terrain politique au Mali.
Donc vous appelez à un souverainisme plus humain ?
Nous appelons à un souverainisme plus équilibré, plus ouvert, plus inclusif, qui permet non seulement aux autorités maliennes, qui jouissent d'une certaine popularité, de poursuivre les réformes qu’elles se sont assignées, mais aussi que ces actions-là soient le plus consultatif possible, que l'ensemble des acteurs politiques et de la société civile soient associés à cette démarche. C'est à ce prix-là aussi que les autorités maliennes feront du Mali un pays pacifié et surtout qu'elles marqueront l'histoire de leur pays.
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